Histoire de la Corderie Royale

Manufacture royale créée par Louis XIV, la corderie sert à fabriquer les cordages nécessaires aux bateaux à voile de la marine de guerre. Elle est, au XVIIe siècle, la plus longue manufacture d’Europe. 

Vue aérienne des jardins et de la Corderie

Le contexte historique 

En 1661, la flotte de Louis XIV est quasiment inexistante. On ne compte plus qu’une trentaine de navires en mauvais état. Secondé par le ministre Colbert, le roi décide de redonner sa puissance maritime à la France, notamment pour contrer la Navy anglaise. Cette renaissance navale nécessite la création d’un arsenal maritime.  

Les spécificités d’un arsenal maritime 

Un arsenal maritime est un établissement où sont construits, armés, réparés et ravitaillés les navires de guerre. Il réunit arsenal corderie, magasins, fonderie, forges, poudrière et formes de radoub pour la réparation des bateaux. Toutes ces infrastructures sont encore visibles à Rochefort. 

Pas d’arsenal sans corderie 

Les cordages ont de multiples utilisations à terre comme en mer, ce qui justifie la construction d’un bâtiment dédié exclusivement à leur fabrication : la corderie. Tous les arsenaux de marine en possèdent une : Brest, Rochefort, Lorient, Le Havre, Dunkerque, Cherbourg, Toulon, construites entre 1636 et 1798.  

A Rochefort, la corderie est le tout premier bâtiment construit dans l’arsenal, dès 1666. Il s’agit d’un prototype, inspiré sans doute à la fois de la corderie de Venise (XIIIe siècle) et des bâtiments de Saardam (près d’Amsterdam).  

Apogée et déclin 

La Corderie vit son âge d’or au temps de la marine à voile, de 1669 à 1862 environ. Cependant, la production en cordages varie en fonction de la construction et de l’armement des navires. Par conséquent, les temps de paix dans le royaume sont synonymes de baisse de l’activité économique. Très tôt, l’arsenal de Rochefort connaît des périodes de grande détresse financière. Vers 1690, l’arsenal commence déjà à atteindre ses limites. Trop éloigné de la mer, à une vingtaine de kilomètres, il pose problème aux gros navires, dont le halage doit se faire à la force des bras jusqu’à l’île d’Aix.  

Au XVIIIe siècle, l’arsenal de Rochefort sert également aux échanges commerciaux, et notamment au ravitaillement des possessions coloniales Outre-Atlantique. Le rôle de la corderie dans ces échanges coloniaux ne s’arrête pas là. Les colonies constituent également un marché d’importation de compétences et de matières premières et des fournitures diverses, dont des cordages. 

Malgré son apparence majestueuse, la corderie est bel et bien une manufacture, confrontée à toutes les problématiques que peut rencontrer une unité de production. Avec l’arrivée de la vapeur et du câble métallique, son activité décline dès le milieu du XIXe siècle jusqu’à la fermeture de l’arsenal de Rochefort en 1927.  

XXe siècle et renaissance 

Incendiée en 1944 par les troupes allemandes, la corderie n’est plus qu’une ruine envahie par les ronces dans les années 1960. Il faudra attendre l’intervention de l’amiral Maurice Dupont pour faire débroussailler les lieux et surtout faire classer les ruines afin de lancer un vaste projet de nettoyage et de réhabilitation de cette partie de l’ancien arsenal. 

L’ancienne manufacture ne retrouve son panache qu’en 1985, après une restauration exemplaire. La vie reprend sous forme de nouvelles activités économiques. L’aile sud y voit naître en 1985 le Centre International de la Mer, centre d’interprétation à vocation maritime. La Corderie Royale est aujourd’hui un bâtiment classé et le plus grand site historique de Rochefort. 

Chronologie de la Corderie Royale

  • 1666

    Début de la construction. Colbert de Terron, intendant de marine, décide de la construction de la Corderie le 25 mars 1666. L’autorisation royale n’est délivrée que deux mois plus tard. François Blondel lance les travaux de construction.

    radier de chêne sous les fondations de la corderie
  • 1669

    Début de l’activité. La Corderie est achevée, trois ans après le début des travaux. Premier bâtiment de ce type construit dans un arsenal de marine français (avant les corderies de Toulon et Brest), la corderie de Rochefort est un prototype.

    Un des premiers plans de la corderie en bord de Charente
  • 1712

    L’arsenal en péril. La fin du règne de Louis XIV s’avère difficile. L’intendant Michel Bégon meurt, laissant l’arsenal en ruines. La population de Rochefort diminue de moitié entre 1713 et 1720. L’activité de la Corderie est en berne.

    plan panoramique de l'arsenal réalisé vers 1715
  • 1724

    Reprise de l’activité. Arrivée de Maurepas au ministère de la Marine. Il relance l’activité des arsenaux. La Corderie vit dès lors au diapason des efforts consentis par l’Etat pour financer la construction navale militaire.

    Plan panoramique de l'arsenal de Rochefort vers 1724
  • 1747

    Standardisation de la fabrication du cordage. Henri-Louis Duhamel du Monceau publie L’Art de la corderie perfectionné. Il y expose sa méthode, qui permet de mettre au point une technique de fabrication de cordage qui surpasse toutes les autres.

    gravure de Duhamel du Monceau sur le commettage
  • 1762

    Une peinture incontournable. Joseph Vernet réalise une série de peintures des ports de France, dont celui de Rochefort. C’est l’un des rares tableaux où l’on peut admirer la Corderie.

    Tableau de Joseph Vernet représentant la corderie en 1762
  • 1776

    L’ancienne corderie en péril. Pierre Toufaire, ingénieur des bâtiments civils de la Marine à Rochefort, prévoit l’installation d’une nouvelle corderie dans un bâtiment considéré comme plus grand et plus pratique. Cet ambitieux projet qui concernait l’ensemble de l’arsenal n’a jamais abouti.

  • 1847

    Une nouvelle énergie. Antoine Auriol, ingénieur polytechnicien, est en charge de la corderie à partir de 1829. Il s’attelle au défi technique de la vapeur dans la Corderie. Sa machine à commettre est installée au mitan du siècle.

    plan de la machine à commettre d'Antoine Auriol
  • 1862

    Fermeture de la corderie. Fin de l’activité de la Corderie après 200 ans de production de cordages. La mutation industrielle est en marche, l’acier et la vapeur l’emportent définitivement sur le chanvre. Le bâtiment de la Corderie va subir de nombreuses affectations : magasins, entrepôts et ateliers de l’artillerie navale, école de maistrance, des apprentis armuriers, musée des petits modèles…

  • 1869

    Réutilisation du bâtiment. Une voie ferrée destinée à acheminer les wagons de l’artillerie jusqu’à la gare coupe le bâtiment en deux, le transformant de manière irréversible. Dans les années 1960, le tracé du chemin est encore visible dans le parc de la corderie.

    Voie de chemin de fer qui passe le long de la corderie en 1960
  • 1944

    Destruction de la corderie. Les troupes allemandes incendient l’arsenal et la Corderie est entièrement détruite. Au lendemain de la guerre, l’édifice n’est plus qu’une ruine envahie par la végétation.

    Incendie de la Corderie Royale par les Allemands le 25 août 1944la corderie en ruine prise dans la végétation
  • 1967

    La renaissance. La Corderie est classée Monument Historique. La Ville envisage alors de reconstruire le bâtiment. Les travaux seront lancés en 1976 après la signature du contrat Ville moyenne en 1974. La restauration s’achève en 1988.

    carte postale de la corderie en ruines dans les années 1970reconstruction de la corderie à partir des années 1980
  • 1982

    Un écrin de verdure. Bernard Lassus crée les jardins autour de la Corderie et instaure une relation imaginaire et poétique avec la mer qu’on ne voit jamais à Rochefort.

    Vue aérienne des jardins et de la Corderie
  • 1985

    Inauguration du CIM. Le Centre International de la Mer investit toute la partie sud du bâtiment. Il a pour mission de d’expliquer l’histoire du bâtiment et de diffuser la culture maritime sous toutes ses formes.

    Installation d'une machine à commettre dans la corderie lors de son inauguration
  • 2017

    Un nouvel espace de visite. Le Centre International de la Mer présente, dans une scénographie entièrement rénovée, la vie des ateliers dans la Corderie ainsi qu’un spectacle audiovisuel immersif retraçant les 3 siècles d’histoire mouvementée de ce bâtiment exceptionnel.

    cordages et toupins dans la salle d'exposition